La théologie, ça sert à quoi ?

par Paul TIHON

octobre-décembre 2008 - tome 96/4

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Quel est le type de rationalité que peut revendiquer la théologie dans le champ des savoirs ? Pas seulement d’épistémologie, la question prend aujourd’hui une tournure nettement plus utilitaire : qu’est-ce qui justifie le fait que des institutions prestigieuses comme les universités entretiennent encore à grand frais des Facultés dont l’objet même (« parler de Dieu » !) est devenu culturellement marginal ? Craintes illusoires ? Les gestionnaires des universités d’inspiration chrétienne, comme il en existe dans mon pays, vous diront qu’elles ne sont pas dépourvues de fondement. Les urgences en termes humains : là est l’enjeu. Nos sociétés se trouvent face à des défis inédits. La prise de conscience la plus récente est la catastrophe écologique qui nous menace. Et l’écologie n’est pas le seul défi. Nous vivons dans un monde d’inégalités terrifiantes, où sévissent de nombreux espaces de famine, où la violence semble incontrôlable, où les idéologies religieuses qu’on croyait mortes exercent encore des ravages. L’enjeu, ce n’est donc pas la survie d’institutions vénérables, ni même la qualification culturelle de notre digne corporation, mais l’avenir de la planète et de cette espèce de vivants très particulière, les humains. A moins d’être inconscient, le théologien qui essaie de faire son métier dans ce contexte ne peut que s’interroger sur la pertinence de son travail et sur la responsabilité qui est la sienne.

Theology, what is it for ?

What kind of rationality can theology claim in the field of knowledge? No longer solely epistemological, this question today takes on a decidedly more utilitarian turn: what might justify the fact that prestigious institutions such as universities still maintain at great cost departments the only object of which (“to speak of God!”) has become culturally marginal? Illusory fears? The administrators of universities of Christian inspiration, as we have in my country, will tell you that these questions are well founded. What is paramount is the urgency of the issues human being must face. Our societies have to cope with previously unheard of challenges, the most recent of which is the realization that we are facing the threat of an ecological catastrophe, and this is not the only one. We live in a world of terrifying inequalities, where many areas are plagued by famine, violence appears uncontrollable, and religious ideologies we thought long past still wreak havoc. What is at stake is thus not the survival of venerable institutions, nor even the cultural qualification of our worthy community of scholars, but the future of the planet and of this very particular species – human beings. Unless they insist on being oblivious to the situation, theologians trying to do their job in this context cannot help but question what the pertinence of their work might be and what their responsibility is.

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