Éditorial (103/4)

par Christoph THEOBALD

octobre-décembre 2015 - tome 103/4

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Comme de coutume, les RSR publient tous les deux ans un numéro de Varia, afin d’accueillir quelques-uns des articles envoyés à la Rédaction, soit par de jeunes chercheurs, soit pour approche d’une question d’actualité. Ainsi notre Conseil de rédaction s’était-il interrogé en janvier dernier, après les attentats de Paris, sur les nombreuses pages des Écrits fondateurs du judaïsme, du christianisme et de l’islam où la violence s’étale, que celle-ci soit le fait des croyants ou de Dieu Lui-même : épisodes violents, appels à la violence ou oracles la justifiant, prières de vengeance ou d’exécration, décrets d’exclusion ou anathèmes, etc. Les événements récents ne donnent que plus d’urgence à cette interrogation. Les religions qui se réclament de ces écrits sont tôt ou tard confrontées à la question de savoir que faire de ces pages qu’elles ne peuvent évacuer purement et simplement en raison de leur reconnaissance « canonique ». À côté de lectures littéralistes, souvent fondamentalistes, générant ou appuyant des comportements fanatiques individuels ou collectifs, ces religions ont développé et développent en leur sein un travail interprétatif qui permet de relativiser la portée de tels textes en les inscrivant dans une perspective plus globale d’où émerge l’ensemble des écrits fondateurs. Résultat d’une interaction complexe entre des exégètes patentés, des instances de référence internes aux religions et les croyants et/ou les communautés concernées, un tel travail peut être reconnu ou non, et parfois promu institutionnellement.
Nous avons donc demandé à trois chercheurs, issus de chacune de ces trois traditions, de se saisir de la question du travail interprétatif de ces textes de violence, d’en montrer les fondements et le rôle qu’ils ont effectivement joué dans la gestion des rapports en conséquence. Nous remercions très chaleureusement M. le Rabbin Prof. David Meyer et M. le Prof. Frédéric Rognon pour leurs contributions. Le troisième texte, demandé à un islamologue, ne nous a malheureusement pas été livré. Notre enquête reste donc incomplète – pour le moment, espérons-le ! Deux autres articles de ce numéro, situés aux extrêmes de la tradition chrétienne, portent sur sa conception de l’histoire. L’étude de Grégory Solary s’intéresse à la temporalité de la vérité chez Tertullien, tandis que celle de Guillaume Cuchet traite du fameux couple « thèse » « hypothèse ». Ce couple fût inventé par le catholicisme du XIXe siècle pour gérer les rapports théologico-politiques entre une doctrine censée être immuable et des ajustements pastoraux jugés nécessaires en fonction
des particularités de situations. N’est-ce pas ce qui a récemment resurgi lors du synode romain sur la famille ? Cette série d’articles qui présentent en fin de compte une certaine
unité, ne pouvait trouver meilleure conclusion que dans une étude sur le dernier ouvrage du Père Joseph Moingt, Croire au Dieu qui vient. I. De la croyance à la foi critique. Car le présent et l’avenir du christianisme – dont nous traitons exclusivement ici – dépend aussi de sa capacité d’accueillir, au sein même de sa théologie de la foi, la critique, principalement
mise en oeuvre par la recherche historique et la philosophie. Cette étude se veut un hommage et un remerciement à celui qui, pendant trente ans, fût le Rédacteur en chef de notre Revue. Ayant fêté ses cent ans en cette fin d’année 2015, nous lui marquons toute notre reconnaissance, avec le souhait qu’il continue à vivre parmi nous, au jour le jour, comme si l’éternité était simplement dès maintenant.
Dans la dernière partie de ce numéro, le lecteur trouvera encore deux notes sur des publications récentes et deux bulletins habituels, celui de Théologie des religions, et celui de Sociologie des Religions dont le Prof. Jean-Marie Donegani a accepté d’assumer désormais la charge, ce dont nous le remercions chaleureusement.

Christoph Theobald