Un monde sépare tout cela d’Héraclite

par Yves MEESSEN

juillet-septembre 2005 - tome 93/3

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 » Un monde sépare tout cela d’Héraclite  » affirme Heidegger pour dire combien le Logos de la Croix est éloigné du logos grec. Affirmant cela, Heidegger s’oppose à une conception de l’histoire qui fonderait la  » classicité  » de la philosophie grecque à partir de la Vérité révélée dans le Christianisme. Selon cette conception, le logos d’Héraclite serait précurseur du Logos de Jean, et l’être de Parménide, une notion nécessaire qui ne serait devenue réalité que dans le Christianisme. Ainsi, toute la philosophie grecque trouverait son accomplissement dans la Révélation. La science phénoménologique nous propose d’opter aujourd’hui pour une autre voie. Pour l’examen et l’enjeu de ces implications premières, Y. Meessen examine tour à tour le logos héraclitéen et le  » se posséder « , dont se distingue radicalement le Logos johannique et son  » se dessaisir « . Est-ce à dire que la philosophie grecque se trouve définitivement congédiée ? Sûrement pas : dans la mesure où allant au bout de sa propre logique dont le point de départ est d’affirmer l’identité de l’être et du penser, elle dit aussi le désir d’aboutir à la coïncidence des deux termes. Dans la Révélation, l’être et la pensée sont effectivement appelés à coïncider, mais d’une manière qui déroute la logique grecque.

A world separates all that from Heraclitus

Heidegger affirms that « A world separates all that from Heraclitus » in order to say how distant the Logos of the Cross is from the Greek logos. In making this assertion, Heidegger is against a way of looking at history that would base the « classicity » of Greek philosophy on the Truth revealed in Christianity. According to this conception, the logos of Heraclitus is held to be the precursor of John’s Logos and Parmenides’ Being, a necessary notion that would only become reality in Christianity. Thus, all of Greek philosophy would find its fulfillment in Revelation. Today, phenomenological knowledge proposes that we opt for another approach. To investigate what is at stake in these first implications, Y. Meessen examines one by one the Heraclitean logos and the « to possess oneself, » from which the Johannine Logos and its « giving up the self » is radically distinct. Does that mean to say that Greek philosophy finds itself definitively dismissed? Certainly not: insofar as it is taken to its logical conclusion, the starting point of which is the affirmation of the identity of being and thought, Greek philosophy also speaks of the desire to arrive at the coincidence of the two terms. In Revelation, being and thought are effectively called to coincide, but in a way that turns away from Greek logic.

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