La catholicité et l’espace impérial au Moyen Âge

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janvier-mars 1998 - tome 86/1

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Jusqu’au IXe siècle, en Orient où l’Empire romain perdure comme en Occident où il n’existe plus, « l’Église » se pense et se vit sur le mode synodal, avec les nuances qu’apporte, ici, l’idéologie eusébienne, donnant le primat au « palais royal » sur le « siège apostolique », et, là, l’augustinienne, qui soutient l’inverse. Deux siècles plus tard, alors que l’Empire byzantin a cessé de prétendre à l’universalité romaine, la chrétienté latine occidentale ne rêve que de renovatio romani imperii, à son bénéfice. Entre ces deux moments, il y a l’éphémère aventure de Gerbert d’Aurillac qui, après avoir défendu à Reims la cause des évêques contre le pape, devint, par la grâce d’Otton III, le pape de l’An Mil, Sylvestre II : c’était le nom que portait le pontife du temps de Constantin, auquel le nouvel empereur ne cesse de se référer, en souhaitant un empire moins germanique qu’universel. Ce dut être une grande joie, pour le pape, d’entendre Otton dire en 1001 : « Nous proclamons Rome capitale du monde et nous reconnaissons l’Église romaine comme mère de toutes les Églises. » Désormais, la communion n’est plus réglée par la lex communis ecclesiae catholicae, mais par 1’unius arbitrium et Sylvestre II parlera en « père universel », conscient d’exercer seul le ministère de Pierre. C’est dans ces fortes convictions que l’Église romaine affrontera la crise de la chrétienté des XIIIe-XIVe siècles.

Catholicity and imperial space in the Middle Ages

Up until the ninth century, when the Roman Empire continued in the East but ceased to exist in the West, « the Church » thought and lived in the synodal mode. The slight difference was that Eusebien ideology prevailed in the East, which gave primacy to the « royal palace » over the « apostolic seat », while Augustinien ideology held the contrary in the West. Two centuries later, when the Byzantine Empire ceased to pretend to Roman universality, western Latin Christianity dreamed only of the renewal of the Roman Empire, to its own advantage. Between these two moments, there was the ephemeral adventure of Gerbert of Aurillac who, after having defended the cause of the bishops against the pope at Reims, became pope Sylvester II in the year 1000, thanks to Otto III. Sylvester was the name of the pontiff at the time of Constantine, to whom the new emperor didn’t cease to compare himself in wishing an empire less Germanic than universal. It must have been a great joy for the pope to hear Otto say in 1001 : « We proclaim Rome the capital of the world and we recognize the Roman Church as mother of all the Churches. » In the future, communion was no longer regulated by the Catholic Church’s common law, but by the unius arbitrium, and Sylvester II will speak as « universal father », conscious of exercising alone the ministry of Peter. It is with these strong convictions that the Roman Church would face the crisis of Christianity in the XIII and XIV centuries.

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