Chair, corps et âme. Les formulations de la question de l’âme chez S. Augustin

par E. DUBREUCQ

juillet-septembre 1996 - tome 84/3

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Augustin a commencé de s’intéresser aux questions de l’âme, de sa nature, de son origine et de son destin sous le double horizon des croyances manichéennes, auxquelles le tenait attaché son obsession du problème du mal et du salut, et des doctrines néoplatoniciennes, en qui il trouvait une certaine parenté avec la spiritualité chrétienne. Le néoplatonisme l’aidait à concevoir l’immortalité de l’âme, mais en rejetant sa consubstantialité avec Dieu, à écarter aussi le dualisme manichéen tout en professant la dualité ontologique de Dieu et du créé, et de l’âme et du corps. Mais l’Écriture se dissocie du platonisme quand elle montre que l’âme ne peut pas remonter par ses seules forces jusqu’au vrai et au bien et qu’elle a besoin du secours de la grâce et des sacrements. L’Écriture érige des réalités d’ordre sotériologique étrangères aux spéculations des philosophes, elle fait du péché une réalité originelle et universelle, dont la transmission relance la question de l’origine des âmes : préexistantes, ou créées à la naissance ou issues de celles des parents ? Augustin noue ainsi l’une à l’autre les deux questions de l’origine du mal et de celle de l’âme, notamment dans le troisième livre du traité Du libre arbitre, entre 391 et 395. Il pense que ni l’Écriture ni la philosophie ne permettent de trancher entre le créationisme et le traducianisme, mais il s’efforce de concilier, sans y parvenir tout à fait, le plan anthropologique avec le plan sotériologique.

Flesh, body and soul. Formulations of the question of soul in St. Augustine

Augustine began his interest in the nature, origin, and destiny of the soul under the double influence of Manichaean beliefs (to which his obsession with the problem of evil and salvation held him attached), and Neoplatonic doctrines, in which be found a certain relation with Christian spirituality. Neoplatonism helped him to conceive the immortality of the soul, but by rejecting its consubstantiality with God, and also to set aside Manichaean dualism while professing the ontological duality of God and the created, as well as the soul and body. But Scripture disassociates itself from Platonism when it shows that the soul cannot, by its own power, arise to the true and the good, but needs help from grace and the sacraments. Scripture builds its realities around soteriology, which is foreign to the speculations of philosophers. It makes sin an original and universal reality, whose transmission brings up again the origin of souls : pre-existent, created at birth, or issuing from those of its parents ? Augustine thus ties together the two questions of the origin of evil and that of souls, especially in the third book of the treatise On Free Will (391 to 395). He thought that neither Scripture nor philosophy helped to decide for creationism and traducianism, but he made an effort to reconcile, without complete success, the anthropological dimension with the soteriological dimension.

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