La rencontre de Gersbom Scholem et de Karl Barth. Une hypothèse impossible ?

par P. GRUSON

juillet-septembre 1996 - tome 84/3

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Presque contemporains, Scholem et Barth ne se sont jamais rencontrés. S’ils avaient pu le faire, ils n’auraient sans doute pas été d’accord en tout point, mais on peut risquer l’hypothèse qu’ils se seraient entendus en profondeur. Ce qui fonde cette hypothèse, c’est la similitude du comportement de l’un et de l’autre à l’égard de leurs communautés religieuses respectives, qu’ils tenaient pour complices des aveuglements séculiers du monde où elles vivaient et coupables de ne pas élever les responsabilités séculières sur le terrain de la liberté éthique. Les débats de l’un avec Rosenweig et de l’autre avec Troeltsch établissent Scholem et Barth dans un réel voisinage théologique, dans le même souci de la référence théologique de leurs communautés et de l’éthique des engagements séculiers. Dans ses recherches sur la Kabbale, Scholem veut réactiver la problématique de la création dans laquelle Dieu fait du néant son être. De façon semblable, Barth fonde sa Dogmatique sur la problématique de s. Anselme qui se refuse à penser Dieu dans un ordre du monde qui serait immuable. Dans des contextes différents, tous deux s’opposent à l’assimilation passive de leurs communautés au monde séculier, tout en soutenant leurs responsabilités éthiques à son égard. Un même message se dégage de leur rencontre posthume.

The encounter of Gershom Scholem and Karl Barth. An impossible hypothesis ?

Almost contemporaries, Scholem and Barth never met each other. If they had done so, they undoubtedly would have not agreed on everything, but the chances are that they would have had a fundamental understanding. This hypothesis is based on the similarity of each one’s attitude towards their respective religious communities, which they saw as accomplices of their world’s secular blindness, and its guilt in not raising secular responsibilities to the level of ethical freedom. Their debates – Scholem with Rosenweig and Barth with Troeltsch – made them theological neighbours, i.e., expressing identical concern for the theological implication of their communities and the ethics of secular committments. Scholem, in his research on the Cabala, wanted to revive the problem of God’s making his being from nothing. In the same fashion, Barth founded his Dogmatic on the problem of St. Anselm, who refused to think God in a world order that would be immutable. In different contexts, both were opposed to a passive assimilation of their communities to a secular world, while sustaining their ethical responsibilities to it. The same message comes out of their encounter.

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