L’image d’un Dieu qui passe. Lecture théologique de la Vocation de S. Matthieu de Caravage

par A. DALL’ASTA

juillet-septembre 1997 - tome 85/3

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La peinture de Caravage occupe une position stratégique entre l’art religieux du XVIe siècle, dont le naturalisme, ainsi chez Carracci, est imprégné de présence divine, et le réalisme sécularisé qui triomphera au XIXe siècle. Aussi a-t-elle été l’objet d’incessants conflits d’interprétation, commencés déjà de son temps. Elle ne paraissait pas d’accord, en effet, avec les consignes d’orthodoxie données aux artistes par les théologiens de la Contre-Réforme, et clairement rappelées à Caravage dans le contrat qui lui avait été fixé en 1565 pour représenter les scènes de la vie de S. Matthieu dans l’église S. Louis des Français à Rome. Il interpréta ce contrat selon des critères tout nouveaux et personnels. La composition de l’espace et de la lumière, la disposition des personnages et des clairs-obscurs sont significatives de la vision moderne du monde et de l’homme qui commence à se mettre en place à cette époque. Le rayon de lumière qui traverse une scène sans noblesse plongée dans l’obscurité immobilise un instant de vérité et de choix, l’événement de la rencontre de Jésus et de Matthieu, l’instant d’une communication de parole entre Dieu et l’homme, l’heure où chacun est appelé à décider du sens de son existence personnelle, sans autre intervention divine, dans la banalité de sa vie quotidienne. Ce monde n’est pas vide de Dieu, mais Dieu ne fait qu’y passer ; il se retire, pour laisser le monde à son autonomie, et l’homme à la conscience de sa liberté.

The Visage of a passing God. A theological interpretation of Saint Matthew’s Vocation by Caravaggio.

Caravaggio’s painting holds a strategic position between the religions art of the sixteenth century, the naturalism of which is pervaded by divine presence – e.g. in Carracci’s art –, and the secularized realism which is to flourish in the nineteenth century. It has therefore been the subject of unceasing controversies in its interpretation, beginning in Caravaggio’s times already. Indeed, Caravaggio’s painting did not seem in line with the instructions given to the artists by Counter-Reformation’s theologians, urging them to follow the Orthodox line. Caravaggio had been clearly reminded of those instructions in the contract he had signed in 1565 to portray the scenes of Saint Matthew’s life in Saint Louis des Français’Church in Roma. He interpretated this contract according to very innovative and personal criteria. The composition of space and light, the layout of characters and chiaroscuros are revealing of the modern vision of the world and of the man that was emerging in those times. The light ray that crosses a scene devoid of nobleness and plunged into darkness, immobilises a moment of truth and choice : the event of Jesus meeting Matthew, the instant of an oral communication between God and man, the time when everyone is called to decide his of her personal existence in the triviality of his or her daily life, without God intervening in the process. This world is not void of God’s presence, but God only passes through it. He withdraws to let the world face its autonomy, and man face the awareness of his freedom.

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