Editorial 93/2 – 2005

par Pierre GIBERT

avril-juin 2005 - tome 93/2

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Ouvrir un nouveau Tome des RSR, même si le premier numéro dit une année déjà avancée, c’est toujours proposer un certain renouvellement dans l’espoir qu’il ne sera pas trop prétentieux ou illusoire. Pour cette année 2005 précisément, la marque du renouvellement est d’abord dans la nomination d’un rédacteur en chef adjoint. Ainsi, après accord du Conseil de rédaction, le Provincial des Jésuites de France a nommé Christoph Theobald pour me seconder dans la tâche de rédacteur en chef.
Dans la mesure où les lecteurs de la revue connaissent déjà la signature de ce théologien tant pour les articles que pour le Bulletin dont il a la charge, je gage qu’il n’y ait guère d’étonnement en cette nomination. Permettez-moi de vous faire part de ma complète satisfaction pour une collaboration que je désirais depuis un certain temps. Les compétences et qualités personnelles de Christoph Theobald sont mieux que bienvenues, nécessaires, dans le service de la revue dont, j’espère, on ne devrait soupçonner ni l’exigence ni le sérieux.
Le renouvellement marque aussi le Conseil de rédaction. Pour des raisons de contraintes personnelles, Guy Petitdemange et Geneviève Médevielle ont dû renoncer à une collaboration qu’ils aimaient. Qu’il me soit permis de dire ici toute ma reconnaissance et la reconnaissance des collègues du Conseil pour leur collaboration. Geneviève Médevielle continuera cependant d’assurer sa responsabilité pour le Bulletin de théologie morale.
Enfin, deux théologiens entrent dans ce Conseil, Vincent Holzer, de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Institut catholique de Paris, et François Euvé, des Facultés jésuites de Paris.

Le programme de cette année 2005, inauguré dans le présent numéro par une double réflexion sur le shabbat et le dimanche, sera suivi, dans le numéro suivant, par un dossier sur la question du concile et de l’avenir de cette institution ecclésiale. Après quoi, sera faite la reprise d’un point de vue plus théologique du dossier sur S. Paul. Enfin, l’année se clôturera par une sorte de recueil d’actes du colloque 2004 des RSR sur l’Inspiration. En complément du numéro préparatoire, ce dossier fera part à la fois des débats et des nouvelles réflexions qu’a suscités ce thème.
Dans le présent numéro, l’article de M. le Rabbin Krygier aurait mérité un plus large dossier tant l’intérêt qu’il suscite et l’originalité du propos l’appelaient. Pour diverses raisons, il ne nous a pas été possible de donner plus d’ampleur à un thème et à un point de vue qui le méritaient, même si la réflexion d’Enzo Bianchi apporte un très intéressant contrepoint. Pour nous-même comme pour M. Krygier, et comme pour beaucoup de nos lecteurs sans doute, nous le regrettons.
Le prochain numéro nous conduira donc à l’examen de l’idée de concile. Sans préjuger de l’ensemble des contributions et de ce qui en ressortira, nous pouvons dire dès maintenant l’enjeu d’un tel dossier. Si on ne peut oublier une longue histoire ecclésiale, il s’agira de faire sortir les questions induites par un tel sujet à un moment où l’Eglise catholique et les différentes Eglises peuvent s’interroger sur leur fonctionnement, leur avenir, leur mission, et donc sur elles-mêmes. Même si pour l’Eglise catholique, Vatican II reste une sorte de lumière dominante de la seconde moitié du XXe siècle, penser qu’un nouveau concile soit envisageable, ce n’est pas rejoindre le chœur de ceux qui n’ont cessé de faire peser un soupçon quasi hérétique sur Vatican II ; c’est prendre acte d’une autre phase de l’histoire de l’Eglise, et donc voir à quelles conditions l’institution conciliaire peut gérer dans un avenir proche ou lointain les urgences qui la rendent nécessaire.
Le programme qui se dessine pour l’année 2005 devrait ainsi rejoindre à la fois les exigences d’une réflexion rigoureuse et celles d’enjeux très contemporains quant à ce qui intéresse nos lecteurs et justifie leur fidélité.

A quoi je voudrais ajouter un dernier mot pour rappeler ce qui, plus que jamais, doit rendre sa pertinence à l’intitulé même des « Recherches de science religieuse » : la recherche précisément dans ce territoire du religieux où à l’heure de la mondialisation, des communications, des décloisonnements des nations, des continents et des cultures, se jouent, tantôt de façon presque imperceptible, tantôt de façon violente, échanges et confrontations, quand ce n’est pas dilutions, entre les religions et leurs avatars sectaires, superstitieux ou délirants. Qu’est-ce que le dialogue interreligieux ? Qu’est-ce que l’ « interreligieux » ? Que faut-il faire pour éviter les dérives, violences, confusions, dangerosité même de certains mouvements et de leurs heurts ? Car derrière ces soupçons et questions c’est en fin de compte la question de la vérité qui se pose.
Il y a vingt siècles maintenant qu’un certain Pilate posait cette question face à celui dont il refusait toute réponse. C’est à cette même question que nous sommes aujourd’hui et plus que jamais confrontés par ces « rencontres » des religions qui ne peuvent plus, sous peine de comportement suicidaire, se rassurer dans les certitudes d’une circularité de raisonnement et de références. Les RSR au début du XXe siècle ont été fondées pour contribuer à apporter des éléments de réponse à la question du « religieux » jusque dans sa diversité, et ce, par l’exigence même de la recherche dans l’ordre, non pas seulement d’une théologie particulière, mais d’une « science ».
A quelques années du centenaire de la revue, et étant donné la nouvelle « donne » religieuse du monde, nous sommes plus que jamais confrontés à l’exigence de cette recherche. Il faut que nous relevions ce défi. Les prochaines années de la revue devront s’y consacrer à nouveau dans la fidélité à une fondation et à une ligne qui ont toujours été orientées sur un champ auquel la fidélité de nos lecteurs ne peut que nous encourager.

Pierre GIBERT, Rédacteur en chef