Le mal a-t-il une réalité ontologique ?

par Oivier PERRU

avril-juin 1998 - tome 86/2

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Le regard théologique sur la question du mal a progressé en Occident grâce à la lecture des Noms divins de Denys, et à l’analyse scientifique de Thomas d’Aquin. Il est cependant intéressant de souligner le nouvel ordre et les rectifications que Thomas d’Aquin apporte à la pensée de Denys dont il est tributaire. Imprégné de la philosophie néoplatonicienne, Denys apparaît dans son ouvrage comme faisant une théologie de l’amour et du Bien. Le Bien y est non seulement objet d’amour, mais il appelle un ordre et une vie. Le mal ne peut être situé que par rapport à l’opération vitale défaillante. Par rapport à Denys, Thomas d’Aquin opère une inversion de pensée. Son apport propre est de dépasser les deux positions de Denys selon qui le mal n’a pas de cause propre, le Bien étant fin de tous les maux. Le mal, qui reste accidentel pour Thomas, est aussi le fruit d’une relation déséquilibrée. Conséquence du péché en tant que mal de peine, tout est-il résolu par là quant au problème du mal ? Par delà saint Thomas, n’y a-t-il pas demande aujourd’hui d’un regard lucide sur la relation réciproque, c’est-à-dire le rôle inhibiteur que joue souvent l’excès de souffrance dans la relation à Dieu ?

Does evil have an ontological reality ? A comparative approach with St. Thomas and the Pseudo-Dionysius

Theology’s attitude to the question of evil has progressed in the West, thanks to the study of Dionysius’ Divine Names and the scientific analysis of Thomas Aquinas. It is, nevertheless, interesting to underline the new method and rectifications that Thomas Aquinas brings to the thought of Dionysius, upon which he depends. Dionysius, impregnated with neo-Platonic philosophy, seems to elaborate a theology of love and the Good in his work. He sees the Good as not only the object of love, but calling for an order and a life. Evil can only be situated in terms of a vital operation that is faulted. In comparison with Dionysius, Thomas Aquinas operates an inversion of thought. His own contribution is to go beyond the two positions of Dionysius, according to whom evil does not have its own cause, the Good being the end of all evils. Evil, which remains accidental for Thomas, is also the fruit of an unbalanced relation. The consequence of sin in terms of the evil of pain does this resolve all the problems concerning evil ? Beyond St. Thomas, isn’t there a need today of a clear perspective about reciprocal relation, the inhibiting role that the excess of suffering often plays in the relation to God ?

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