L’éthique de la vie face au décisionnisme moderne

par Marc MAESSCHALK

octobre-décembre 1996 - tome 84/4

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L’esprit écologique entraîne l’éthique à redéfinir le rapport de l’homme à la nature en tant que mode de relations entre vivants dans le monde de la vie. L’éthique moderne pose une coupure entre nature et culture, fins naturelles et fins spirituelles ; elle postule que la reponsabilité est engagée uniquement dans la décision de poser un acte en fonction de l’état actuel du monde. L’éthique de la vie, que propose Hans Jonas, conteste cette coupure ; elle change la perspective de Kant en passant de la réciprocité des sujets à l’historicité du processus de la vie ; s’opposant également à l’utopisme de Marx, elle entend que la responsabilité du sujet assume le devenir historique de son action à l’égard des générations futures.
Cependant, cette éthique reste encore trop affaire de décision et ne prend pas suffisamment en compte le champ d’application de ses normes. Aussi sera-t-il utile de la confronter aux recherches de J. Rawls dans le champ du consensus politique, ou à celles de P. Ricœur dans le domaine de l’herméneutique. L’éthique de la vie appelle un sens nouveau de la normativité, étendue à son effectuation pratique, de telle sorte que la contrainte du respect de l’environnement soit comprise comme un enjeu pour le sens du destin collectif. Elle requiert l’apprentissage collectif d’un nouveau style de vie.

An ethics of life in face of modern decisionism

Ecological concerns forces ethics to redefine the relation between humanity and nature, as a type of relation between living things in the world of life. Modern ethics makes a break between nature and culture, natural ends and spiritual ends ; it postulates that responsibility is engaged uniquely in the decision to act in function of the actual state of the world. The ethic of life, which Hans Jonas proposes, contests this division ; it changes Kant’s perspective in moving from the reciprocity of subjects to the historicity of the life process. Opposed also to the utopianism of Marx, it understands that the responsibility of the subject assumes the historical becoming of its action as regards future generations.
Nevertheless, this ethics remains too much a question of decision and doesn’t take sufficiently into account the field of application of its norms. It would be very useful to confront this ethics with the research of J. Rawls in the field of political consensus, or to those of P. Ricœur in the domain of hermeneutics. An ethics of life calls for a new meaning of normalcy, reaching to its practical execution, in such a way that the constraint of respect for the environment be understood as important for the meaning of collective destiny. It requires a collective apprenticeship for a new style of life.

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