Amorce d’une esthétique théologique chez Karl Rahner ?

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juillet-septembre 1997 - tome 85/3

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L’interrogation s’impose, car Rahner n’a jamais systématisé ses vues sur une théologie esthétique. Mais plusieurs écrits et plusieurs facteurs font pressentir que l’esthétique ouvre un accès à sa pensée en ce qu’elle a de plus fondamental. Dans quelques écrits Rahner a formellement explicité le rapport entre la parole poétique et la Parole de Dieu, décelant dans la première des « mots originaires », qui sont l’expression de la grâce du Christ au principe même du langage humain, des symboles de la détermination « christique » de l’existence humaine en tant que telle. Sa formation philosophique le préparait à une conception symbolique de la connaissance, apte à appréhender la totalité du réel en toute réalité singulière ; et sa pensée théologique s’orientait d’elle-même vers une théologie du symbole, fondée sur le Logos, symbole de la présence du Père dans le monde et du monde dans le corps du Christ. Ainsi concevait-il le poétique comme une « présupposition du christianisme », et cette intuition le portait à rechercher pour la théologie une nouvelle langue, qu’il est juste d’appeler « esthétique ». Pour aller plus loin dans cette voie, on serait amené à confronter la problématique de Rahner avec la méthodologie de Balthasar, chez qui l’esthétique théologique s’organise et se développe en symphonie grandiose. On est du même coup introduit au cœur du différend qui a opposé ces deux penseurs. Rahner se contentait, pour sa part, d’ébauches modestes, plus propres à évoquer le mystère de Dieu dans la banalité du quotidien qu’à le contempler dans l’éclat de sa Gloire.

Beginnings of theological aesthetics in Karl Rahner’s analysis ?

The question is essential, for Rahner never systematized his views on an aesthetic theology. Yet, several written works and several elements give the feeling that aesthetics leads to his most fundamental, thought. In some of his writings, Rahner clearly explained the link between the poetic word and the Word of God, detecting in the former one « original words » which are both the expression of Christ’s blessing at the very source of man’s language, and symbols of the christlike determination of man’s existence. His philosophical studies prepared him for a symbolical conception of knowledge, proper to apprehend the whole reality in its innermost singularity. His theological thought turned towards a theology of the symbol, based upon the Logos, the symbol of our Father’s presence in the world, and of that of the world in Christ’s body. So did he conceive poetics as a « presupposition to Christianism », and this intuition would lead him to seek a new language for theology, which it is proper to call « aesthetics ». Upon further consideration, one might be induced to confront Rahner’s problematics with Balthasar’s methodology, in which theological aesthetics is organized and developed into a grandiose symphony. At the same time, one is introduced into the heart of the controversy between those two thinkers. As for Rahner, he was satisfied with rough outlines, more likely to evoke God’s mystery in the daily humdrum than to contemplate him in his shining Glory.

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